Le Maïs sucré de Neuville n’est pas un blé d’Inde comme les autres. Il n’est pas génétiquement modifié. Cueilli à point dans les heures qui précèdent sa vente, il est d’une fraîcheur incomparable.
Il est sucré, ferme et juteux. Ses grains sont brillants de couleur jaune-ivoire. Dès qu’il est cuit, il dégage une douce odeur de beurre et de noisette.
Depuis des décennies, les atouts de ce maïs attirent les amateurs d’épluchettes de partout dans la province. « Quand j’étais petit, j’entendais déjà parler du maïs sucré. Sa réputation existe depuis longtemps à Neuville, bien avant ma naissance », raconte le producteur de maïs Gaétan Gaudreau, de la ferme Degau.
Cette réputation vient du territoire dans lequel pousse ce maïs. « Nous faisons pousser les mêmes variétés qu’on peut retrouver ailleurs comme à Sherbrooke ou en Ontario, explique Médé Langlois de la Ferme Langlois et Fils qui est lui aussi un producteur de maïs certifié. Mais c’est la terre de la région qui lui donne son goût unique ».
En plus de son microclimat qui permet d’avoir une récolte plus hâtive, la région, qui se trouve en bordure du fleuve à environ 35 kilomètres à l’ouest de Québec, bénéficie de sols sablonneux contenant du calcaire. À cela s’ajoutent la pente des champs vers le sud qui procure une irrigation naturelle. « On le sait, le goût vient de la terre. C’est comme le raisin, poursuit le Neuvillois. Un même cépage cultivé en France et en Californie, à cause du sol, sera différent. Pour le maïs, c’est la même chose! »
Un savoir-faire top-secret
La terre, bien qu’elle joue un grand rôle dans le goût distinctif du Maïs sucré de Neuville n’est pas le seul ingrédient de son succès. Le savoir-faire développé par les producteurs du village pour le cultiver y serait également pour beaucoup.
Médé Langlois représente la onzième génération d‘agriculteurs de sa famille. Vers l’âge de huit ans, il a commencé à aider aux travaux de la ferme et a pu observer le travail de ses parents et grands-parents. Sa famille a d’ailleurs ouvert l’Économusée de la conserverie qui retrace l’histoire de la ferme et celle du Maïs sucré de Neuville.
« Chez nous, on a un savoir-faire de plus de 350 ans. Les trucs et façons de faire ont été transmis de génération en génération. Ce que je peux dire c’est que c’est un maïs qui est récolté jeune. Pour le reste, c’est comme une bonne recette, on ne donne pas les ingrédients secrets de sa réussite! », prévient Médé Langlois en rigolant.
Gare aux fraudeurs !
C’est pour défendre cette renommée et lutter contre l’usurpation que les producteurs neuvillois se sont regroupés en association en 1997.
« Il fallait se protéger de la fraude, assure Gaétan Gaudreau, également président de l’Association des producteurs de maïs de Neuville. Ça faisait longtemps que des gens vendaient du maïs de Neuville, alors que ça n’en était pas. »
L’Association a élaboré un cahier des charges qui garantit la qualité et la traçabilité du produit. Un logo a également été créé pour permettre au consommateur de reconnaître le vrai Maïs sucré de Neuville.
Après plusieurs années de réflexion et de travail, l’Association a obtenu la reconnaissance officielle de son produit en 2017 avec l’Indication géographique protégée (IGP) Maïs sucré de Neuville.
« Je suis content, parce que maintenant, je sais que les clients ne se font plus tromper. Quand ils viennent acheter du blé d’Inde, s’il y a le logo de l’IGP, ils savent que les producteurs ont été contrôlés. Ils peuvent venir voir les champs et connaître la quantité de maïs cultivés. S’il n’y a pas l’IGP, ce n’est pas du Maïs sucré de Neuville », assure Médé Langlois.
Selon Gaétan Gaudreau, qui est, la fraude a nettement diminué depuis que l’appellation est en place.
Avec sept producteurs qui cultivent environ une centaine d’hectares de Maïs sucré de Neuville, la production reste donc à une échelle locale et peine à suffire à la forte demande. Chaque année, le téléphone sonne chez les Degau pour fournir d’autres kiosques à l’extérieur de la région, mais ils refusent.
« L’idée est que les gens viennent nous voir, explique Gaétan Gaudreau. Les clients viennent faire leur tour. Ils voient le paysage. Ils achètent leurs légumes. Tout est frais. On jase avec eux. Le monde aime ça », poursuit-il.
Cet été, la ferme Degau fête les cinq ans de l’IGP. Elle a demandé au chef Olivier Langlois de Chez Boulay, Bistro Boréal à Québec d’être son ambassadeur et de créer des recettes à partir du Maïs sucré de Neuville. Ces recettes seront partagées sur les médias sociaux de la ferme tout au long de la saison.
Frais et rien d’autre
La ferme Dubuc quant à elle n’a pas de kiosque dans le village. Elle concentre ses activités au Grand Marché de Québec. Elle est d’ailleurs la seule à vendre du maïs IGP à cet endroit. Comme la ferme Langlois et Fils, la ferme Dubuc a une longue histoire. Elle a vu douze générations cultiver ses terres.
Samuel Dubuc représente la relève. À 28 ans, il est l’un des plus jeunes producteurs de Maïs sucré de Neuville du village. Il s’investit avec passion dans la ferme familiale principalement dans la production laitière, mais aussi dans le maïs qu’il a appris à aimer avec le temps. « Mes parents se sont beaucoup investis pour le projet d’IGP. C’est important d’avoir un produit dont on reconnaît la qualité et le travail qu’il demande », note-t-il.
Dès la mi-juillet, les premiers épis sont récoltés à Neuville. Chaque matin, Samuel Dubuc est dans le champ un peu avant le lever du soleil pour « casser » du maïs avec les travailleurs. Il peut y retourner plusieurs fois dans la journée pour avoir un produit toujours frais.
« Certains jours, on ne fournit pas. On n’a pas le temps de s’arrêter pour manger, alors je casse un épi et je le mange cru directement dans le champ. C’est un bon dépanneur », confie-t-il en précisant que la saison peut s’étendre jusqu’au mois d’octobre.
Quand on lui demande sa recette secrète pour avoir un maïs à son meilleur, il n’hésite pas : « C’est une plante tropicale qui aime l’eau. Dès qu’on a cueilli le maïs, il faut l’arroser. On peut le réfrigérer, mais il faut le manger rapidement, dans les 12 heures suivant sa cueillette », prévient-il.
« La meilleure façon de l’apprêter, c’est de le cuire dans l’eau. Il faut partir sa cuisson à l’eau froide et le faire bouillir 7 à 8 minutes. Il ne faut pas trop le cuire pour qu’il garde son croquant. Je l’aime comme ça, nature, sans beurre! ».