Sur les 27 442 fermes québécoises, on n’en compte que 2598 inscrites à un organisme de certification dans le but de commercialiser un produit biologique. Malgré tout, on assiste à un boum dans le secteur de l’agriculture bio depuis cinq ans. À un point tel que l’objectif fixé par la Politique bioalimentaire du Québec de doubler le nombre d’hectares en régie biologique d’ici 2025 a déjà été atteint en 2020. Et cela ne semble être que le début.
Précurseur dans le domaine, le Cégep de Victoriaville propose depuis 1987 un programme en agriculture biologique. Pour répondre à la demande croissante des inscriptions ces dernières années, l’établissement a ouvert une plus grande entité en 2018 : l’Institut national d’agriculture biologique (INAB). Même avec ce nouveau centre de formation et de recherche qui permet à 220 étudiants par année de pratiquer la culture et l’élevage biologique, les places manquent.
Depuis quelques années, plusieurs cours et formations sur la production biologique ont vu le jour dans la province, que ce soit à l’INAB ou à l’Institut de technologie agroalimentaire du Québec. Même l’Université Laval offre une formation en ligne sur l’agriculture biologique et l’entrepreneuriat. « L’agriculture biologique, c’est sexy aujourd’hui », fait remarquer Denis La France, du Centre d’expertise et de transfert en agriculture biologique et de proximité (CETAB+) du Cégep de Victoriaville, qui fait de la recherche et offre des formations aux adultes.
« Il y a un certain nombre de personnes dans la société qui veulent s’engager et changer le monde. Ils veulent se former dans le sens de leur idéal et d’une action sociale. Avec l’agriculture biologique, ils peuvent gagner leur vie tout en agissant dans le sens de leurs valeurs. » - Denis La France
C’est pour faire de l’agriculture durable que Frédéric Duhamel, de la coopérative Les Jardins de Tessa, à Frelighsburg, dans les Cantons-de-l’Est, a démarré son projet de ferme en 1997 et a obtenu la certification bio en 2000. « Le bio correspond à mes valeurs, indique-t-il. Ça facilite aussi la mise en marché, ça nous permet de rejoindre une clientèle intéressée par le local et qui veut mettre un visage sur ses légumes. » La coopérative livre chaque semaine 350 paniers de légumes destinés aux abonnés recherchant des aliments frais de qualité qui ont du goût et sont produits de façon durable.
« Le biologique, c’est un engagement pour faire les choses comme elles se passent dans la nature », explique Denis La France, qui enseigne l’agriculture biologique depuis les années 80. « L’utilisation de pesticides et d’engrais de synthèse est la caractéristique dominante de l’agriculture conventionnelle. En bio, l’approche est quasiment opposée, ajoute l’agriculteur. On vérifie le sol et ce qui entoure la plante pour aménager un milieu vivant équilibré. »
Mais concrètement, à quoi doit-on s’attendre quand on lit la mention « biologique » sur une étiquette? Que ce soit pour un légume, un fruit ou une céréale bio, aucun traitement avec des pesticides et des engrais de synthèse n’est autorisé, pas plus que l’usage d’organismes génétiquement modifiés (OGM) et de boues d’épuration. On favorise la rotation des cultures et l’utilisation d’engrais verts comme le compost ou le fumier. « Il faut garder le sol en santé et assurer une diversité de production, explique Frédéric Duhamel. Pour dépister les maladies et les ravageurs, ça prend un suivi constant et rigoureux. On doit être proactifs pour être au-devant des problèmes. »
Que ce soit pour un légume, un fruit ou une céréale bio, aucun traitement avec des pesticides et des engrais de synthèse n’est autorisé, pas plus que l’usage d’organismes génétiquement modifiés (OGM) et de boues d’épuration.
Pour l’élevage, les contraintes sont aussi strictes : les animaux clonés sont interdits et il faut favoriser le bien-être de l’animal en lui permettant de sortir à l’extérieur quand la température le permet. L’usage de médicaments est limité et les hormones de croissance sont proscrites. Quant à l’alimentation des animaux, elle doit être biologique, alors que les farines animales sont bannies. De plus, en cas de transformation, l’irradiation, les colorants, les arômes, les édulcorants et les agents de conservation artificiels sont interdits. Tous ces aspects sont surveillés lors des visites d’inspection réalisées par les organismes de certification. Le respect rigoureux de toutes ces normes demande un investissement supplémentaire de la part des producteurs et transformateurs bios. Tout un témoignage de leur passion, de leur savoir-faire et de leur vision !
Québec précurseur
Au Canada, le Québec a été précurseur de cette agriculture plus respectueuse de l’environnement, des humains et des animaux. Dès les années 50, quelques pionniers ont fondé des fermes dont le mode de culture correspondait au biologique. Avec le retour à la terre des années 70, cette agriculture a réellement pris son élan dans la province.
Rapidement s’est imposée la réflexion autour des règles de production et de la certification. Le terme « biologique » n’étant pas reconnu officiellement à l’époque, certains producteurs ont adopté des certifications d’organismes internationaux. En 2000, le Québec est devenu la première province au Canada à réglementer l’appellation biologique. Le fédéral a ensuite élaboré une réglementation en 2009.
« Avant cela, il n’y avait que la Colombie-Britannique et le Québec qui protégeaient l’agriculture biologique et qui avaient des lois interdisant de désigner un produit bio s’il n’était pas certifié. Ailleurs, on faisait ce qu’on voulait », se souvient Denis La France. Ce dernier explique que la certification garantie que le produit portant la mention biologique ou bio (ou organic en anglais) a bel et bien été produit dans le respect des règles. « On a vu plusieurs exemples de fraudes. La certification a permis de rassurer les consommateurs », continue-t-il. Depuis 2006, au Québec, le biologique est encadré par le Conseil des appellations et des termes valorisants (CARTV), qui surveille l’usage de l’appellation et vérifie la conformité des organismes de certification. Ce sont ces derniers, parmi lesquels on retrouve notamment Ecocert Canada et Québec Vrai – les plus connus au Québec –, qui accordent la certification aux produits biologiques.
Offrir des garanties
C’est pour répondre aux préoccupations de sa clientèle que Les Viandes du Breton a pris le virage bio dès le début des années 2000 en faisant certifier une gamme de produits pour les marchés locaux et extérieurs. « Nos clients voulaient avoir la garantie que nos produits étaient les plus sains possibles. On nous demandait des viandes sans antibiotiques et sans hormones de croissance », explique Vincent Breton, président de Viandes du Breton. L’entreprise les a écoutés en élargissant sa gamme de produits biologiques. Elle a même fait un pas de plus en obtenant une certification pour le bien-être animal. « On a été perçus comme les fous du village », souligne l’entrepreneur qui reconnaît que sa démarche détonne dans une industrie porcine encore réticente à changer ses habitudes. « C’est une façon de produire complètement différente de la production de masse. Ça implique des investissements importants et ça prend plusieurs années avant de recevoir une certification. Sans le support de la clientèle, ç’aurait été impossible. »
« C’est une fierté de montrer l’environnement que procure une ferme bio. Les bêtes vont à l’extérieur et il y a plus de lumière et d’espace. C’est plus agréable pour les travailleurs et pour les animaux. »
Depuis, l’entreprise est devenue cheffe de file de la production de porc biologique en Amérique du Nord. Avec 350 sites de production, dont une grande partie est constituée de fermes familiales indépendantes au Québec et dans le reste du Canada, Viandes du Breton veut continuer à produire à échelle humaine. L’objectif est également d’augmenter la part de son volume de ventes de porc biologique, qui correspond actuellement à 30 %. Pour y arriver, l’entreprise prévoit conclure la conversion vers le biologique de ses 15 fermes en janvier 2022 et faire progressivement la transition pour d’autres sites. « On devrait inviter chaque consommateur dans une ferme biologique et une ferme de commodité pour qu’il puisse comparer, note Vincent Breton. C’est une fierté de montrer l’environnement que procure une ferme bio. Les bêtes vont à l’extérieur et il y a plus de lumière et d’espace. C’est plus agréable pour les travailleurs et pour les animaux. »